
Jean-Paul Sartre, penseur de l’émancipation
Par Adnan MOURI
Chercheur chroniqueur
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«L’enfer c’est les autres» Sartre
«ça parle malgre moi» Lacan
Avant de rendre hommage à Sartre, philosophe de la liberté, nous dirons que l’idée du confinement nous interpelle quant à la mobilité. De ce fait, nous remarquons que la liberté du mouvement humain favorise en soi une double opposition qui consiste à analyser la contradiction liée à la contrainte et par opposition à l’obstacle.
Cette remarque nous permet d’appréhender le capital humain comme étant un mouvement animal ; Il va sans dire que l’homme est un être de besoin, mais pour suivre la différence entre le sujet humain et le sujet animal, nous allons mettre en évidence l’analyse fort judicieuse du philosophe Hans Jonas, dans son étude sur la production de l’image et de la liberté humaine, dira à cet égard : « La motricité animale est toujours déterminée en dernière instance par les besoins, mais le geste de peindre ou de dessiner relève d’une motricité toute différente ». L’émergence de cette qualité artistique est déterminée parce que Jonas l’ appelle modèle éidique.
En effet, la mise en relief du contrôle éidique signifie que le geste humain n’est plus prisonnier du besoin organique, mais il prend son fondement dans la libre fantaisie de l’imagination. Cette sensibilité humaine qui joint la consécration des efforts élaborées par la condition du sujet nous permet de saisir l’impact de la pré-compréhension de la liberté. Tout sujet pourra faire son expérience, en un mot l’enfant fait l’expérience de liberté avant de connaître la pensée et la nommer.
Comme il s’agit de rendre hommage au philosophe Sartre, nous pouvons dire que la conception Sartrienne à travers son enseignement nous permet d’enrichir ou de transformer la pré-compréhension de liberté qui peut paraître séduisante et en même temps fragile quant aux fétichisations irrationnelles du concept.
Avant d’esquisser les grandes lignes qui balisent le fondement de la pensée Sartrienne ainsi que son engagement à l’égard des peuples opprimés que nous développerons dans un second temps, nous pouvons dire que la liberté peut être conçue comme une création de vie, l’exaltation du principe d’autonomie permet de voir que la liberté est toujours un choix de soi pour soi, en un mot une création du sens de sa propre vie.
Cela veut dire que la liberté travaille, et en œuvrant elle se fait œuvre, prenant l’ exemple du caillou qui est un objet qui se différencie du silex qui est l’ œuvre de la condition humaine, l’œuvre porte et réalise l’intention, mais comme le disent bon nombre de philosophes, l’objectivation peut en même temps trahir et c’est le drame qui menace toute objectivation de la liberté.
Dans sa critique de la raison dialectique, Sartre met en évidence le processus sous le nom de « praticoinerte », la liberté et engagement qui va peu à peu gagner par l’inertie et la lourdeur. Autrement dit, la dégradation de la pratique en inertie.
Sartre dans l’être et le néant interprète l’existence comme conscience pour soi. La conscience existe selon un mode qui est contraire à celui de la chose. Le pour soi est différent de l’en soi. Pour la conscience, il faut dire avec Sartre que « l’existence précède l’essence ».
Le philosophe a montré que la conscience individuelle est libre c’est-à-dire sa négation « mais que sa quête de l’être nous pousse à vivre dramatiquement sa liberté »d’où sa citation fort célèbre, « Nous sommes condamnés à être libre ». La condition à être libre permet d’osciller entre l’ impossibilité de la quête de l’être « et l’impossibilité d’échapper qui demeure entière ».
Dans l’élan philosophique existentialiste, nous pouvons déceler deux types de vertus qui sont requises ; d’une part les vertus éthiques qui demandent de révolutionner « l’idée de conservation », et d’autre part les vertus « dianoéthiques ». Les renversements des vertus éthiques sont des dispositions qui s’acquièrent par l’habitude et l’exercice « il n’ya qu’en s’exerçant à retenir son désir dans l’ordre de la raison qu’on y parvient ». Par contre, les vertus « dianoéthiques » favorisent la possibilité d’action, elles permettent d’ouvrir une action par devoir dont le seul critère est l’intelligence que l’homme a de la situation.
Essayer d’analyser le courant philosophique Sartrien comme une raison désirante nous permet de le configurer dans la nécessité de la psychanalyse existentielle.
Dans l’être et le néant (1943), Sartre se situe aux antipodes du Freudisme, il refusait l’idée de l’inconscient comme étant « maître de nos actes », mais au fil des ans, la position du philosophe a évolué et dans son essai « l’idiot de la famille », il se rapproche de Freud et de la psychanalyse. Quelle est belle ma mere la « mer » ,ce lapsus comme le disait Le psychanalyste Serafino Malaguamera dans sa video conference est fonde "sur la mise en évidence des signification inconsciente.
Sartre et le Hirak « mouvement populaire ».
« Jamais nous avons été libres que sous l’occupation allemande » Sartre.
Jean Paul Sartre critique littéraire et figure de proue de l’existentialisme. Son œuvre et sa personnalité ont marqué la vie intellectuelle et politique dans la seconde moitié du XX siècle.
La philosophie sartrienne connaît trois phases, la première serait phénoménologique, la seconde existentialiste et la troisième phénoméno-marxiste. Il place la liberté comme le fondement de l’ « être-au-monde », et l’engagement comme le seul comportement authentique de l’homme.
Connu pour son œuvre littéraire et philosophique et son engagement politique Sartre a refusé le prix Nobel de littérature en 1964. En un mot son activité littéraire est indissociable de sa pensée philosophique. Sa théorie de l’existentialisme connait un véritable succès, il considère que « l’intellectuel doit être un homme d’action et que l’engagement est nécessaire ». Dans l’analyse on pourra réfléchir sur les risques d’aliénation de liberté dans son œuvre.
Pendant la guerre d’Algérie, il soutient les indépendantistes du FLN, il est également signataire du « manifeste des 121 » sur le droit à l’insoumission en Algérie qui lui a valu d’être la cible de l’OAS. Il fonda la revue « les temps modernes » ; en 1956 son premier article paraît sur le sujet « Le colonialisme est un système », il dénonce la torture niée par les gouvernants et les médias officiels.
Il parle de la conquête et de ses effets dévastateurs et de l’oppression d’un peuple par la force. « Au couple oppresseur/opprimé récurrent dans l’ensemble des activités sartriennes l’oppression coloniale parait à la fois économique et idéologique et la thématique de la sous humanité demeurera le centre des articles que Sartre consacrera à la guerre algérienne. Il dénonce avec amertume le silence et l’indifférence des français et s’insurge également devant leur complicité ; « … Personne n’ignore aujourd’hui que nous avons affamé, massacré un peuple. Il reste à genoux, mais à quel prix … ».
Les luttes que Sartre a mené à travers le monde le rapprochent de Frantz Fanon, anticolonialiste et tiers-mondiste qui décrit minutieusement les mécanismes de la violence mise en place par les colonialistes pour asservir le peuple opprimé. Sartre rédige la préface du livre de Frantz Fanon « les damnés de la terre», où il dénonce la violence qui s’est abattue sur le peuple opprimé.
Au moment de la sortie de la « question» d’Henri Alleg, Sartre écrit dans l’Express « une victoire » ce qui déboucha sur la saisie de l’hebdomadaire : « Vous savez, ce qu’on dit parfois pour justifier les bourreaux : qu’ « il faut bien se résoudre à tourmenter un homme si ses aveux permettent d’épargner des centaines de vie, belle tartuferie ».
Aimé Césaire, écrivain antillais rejoint Sartre dans son discours sur le colonialisme : « Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à dé-civiliser le colonialisme (…) une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend ». Sartre, dans tous ses écrits, manifeste sa colère et interpelle sans cesse les français et leur mutisme : « La France autrefois, c’était un nom de pays, prenons garde que ce ne soit pas le « nom d’une névrose » en 1961.
Hirak face au désir de liberté
L’ aliénation signifie perte de soi-même, c’est devenir étranger à sa propre essence. Pour parler d’objectivation qui réfute catégoriquement la dés-idéalisation du Hirak, nous permet de débattre l’idée que la réalisation objective d’émancipation est satisfaisante et l’idée préconçue de la liberté s’en contente, autrement dit, elle repose sur ses lauriers.
C’est le cas du militant infantilisé par un désir de changement spongiforme, une liberté s’arrête sur un acquis qui par la suite se traduit sur l’illusion d’un moment.
Dans ce cas de figure, la liberté est victime de son infantilisation et elle mythifie son idéal et s’en tient là.
Devant les tenants de la débilité chronique qui n’essaie pas de suturer les lésions de leurs « emblématique paranoïa », les aménageurs du conformisme couplé à la servitude volontaire, montre le climat « intellecticide » dans lequel on veut faire nager la masse.
Pour lutter contre la servitude laborieuse de l’affect, le Hirak actuellement est pareil aux flots de la mer qui agitent les vents contraires.
Il faut battre en brèche l’idée du consus qui se présente comme état idyllique de la politique ,pour reprendre le philosophe Rancière, dans ce sens la logique dissensuelle permettra de débarrasser l’acteur social du mimétisme démocratique qui essaie d’inculquer le modèle libéral imposé par le capitalisme financiarisé .
Pour libérer le Hirak qui arrive à bout de souffle , il faut éviter de nous faire prendre les vessies pour des lanternes enfermant le sujet dans la haine de la démocratie qui s’inscrit dans le tryptique « état de droit, économie de marché, droit de l’homme sur fond de bonne gouvernance ».
Le Hirak comme élan émancipateur n’est pas une donnée mais une acquisition progressive qui implique un travail laborieux ; ce dernier devra se démarquer de la flânerie psychique qui enveloppe le sujet d’auto-suffisance ,il ne cessera de répéter une vulgate marxiste paupérisée tout en étant indigne de l’enseignement de Marx .
Autrement dit, la statue debout, au sens d’Ernest Bloch permettra de faire valoir cette égaliberté défendue par Etienne Balibar( philosophe).
La prise en compte de ce concept permettra d’amorcer la subjectivation afin de réaliser une émancipation sociale.
En conclusion, devant le spectacle de la fugacité décevante de l’affect, nous prenons le conatus au sens de Spinoza pour mettre en œuvre la passion joyeuse comme étant la dynamique de l’esprit qui n’exclut pas l’inconscient.
Jean-Paul Sartre, penseur de l’émancipation
Par Adnan HADJ-MOURI
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- كتب بواسطة: مسير الموقع
- انشأ بتاريخ: 25 نوفمبر 2020